Vous ĂȘtes dans Nos rĂ©cits de voyage au Cambodge. Si vous cherchez des infos pour prĂ©parer votre voyage, c’est par ici đ Conseils de voyage au Cambodge.
Pour comprendre l’histoire du Cambodge, et notamment les raisons du gĂ©nocide qui y a eu lieu, nous avons dĂ©cidĂ© de visiter la prison Tuol Sleng, plus connue sous le nom de prison S21. On vous prĂ©vient, cet article n’est pas des plus joyeux… mais cela fait parti de notre Histoire et il nous semble important de partager ce que nous avons appris pour ne pas oublier.
Contexte avant le génocide du Cambodge
Avant de commencer, il faut re-situer le contexte dans lequel vivaient les Cambodgiens et qui a amené à la création du régime des Khmers Rouges.
Tout d’abord il faut savoir que, pendant la guerre du Vietnam, le Cambodge servait de base arriĂšre des forces Vietnamiennes. De ce fait, des renforts humains et matĂ©riels transitaient par le Cambodge. A ce titre, le Cambodge a subit innombrables bombardements de la part des Ătats-Unis. Pour donner un ordre d’idĂ©e, ce pilonnage reprĂ©sente plus de 600 000 tonnes de bombes larguĂ©es, soit environ 2 700 000 impacts sur le sol Cambodgien, la majoritĂ© visant les campagnes… Ces bombardements ont tuĂ© entre 550 000 et 750 000 Cambodgiens et ont créé famine et misĂšre dans le pays.
Le dirigeant de l’Ă©poque, Lon Nol, Ă©tait un dictateur corrompu et soutenu par les Etats-Unis. La population vivant dans les campagnes, et qui Ă©tait soumise aux bombardements rĂ©guliers, ont progressivement associĂ©s les gens des villes (les gens aisĂ©s et instruits) Ă la corruption de Lon Nol. Ces derniers Ă©taient donc responsables de leurs malheurs. Un Ă©cart s’est creusĂ© entre les populations. Ainsi, le peuple rural a progressivement rejoint le mouvement des Khmers Rouges afin de combattre le rĂ©gime corrompu de Lon Nol et les AmĂ©ricains.
L’arrivĂ©e des Khmers Rouges au pouvoir
Pol Pot Ă©tait le chef du rĂ©gime Khmers Rouges. Ce rĂ©gime s’appelait officiellement le KampuchĂ©a DĂ©mocratique mais plus communĂ©ment appelĂ© “l’Angar” (qui signifie “l’Organisation“). Les Khmers Rouges prennent progressivement le contrĂŽle du territoire Cambodgien. Ils enferment et/ou tuent leurs opposants politiques ainsi que leur famille.
Le 17 Avril 1975, les Khmers Rouges entrent dans la ville de Phnom Penh et sont accueillis comme les libĂ©rateurs du joug de la corruption et des AmĂ©ricains. Le jour mĂȘme, ils imposent Ă la population de quitter la ville, prĂ©textant qu’elle va ĂȘtre bombardĂ©e par les Ătats-Unis. On leur dit qu’ils pourront rentrer chez eux dans les jours Ă venir mais cela ne sera jamais le cas. Toutes les grandes villes sont ainsi vidĂ©es, Ă la faveur des campagne, et commence un long exode pour la population.
La vie urbaine et moderne est considĂ©rĂ©e comme mauvaise et encline Ă la corruption. Un retour Ă la vie rurale, aux champs, est imposĂ© par les Khmers Rouges. Des coopĂ©ratives agricoles sont créées pour accueillir la population et l’y faire travailler. Les conditions de travail y sont trĂšs durs: hommes, femmes et enfants travaillent dans les champs, sous un soleil de plomb, pendant 12h Ă 19h par jours. Ils sont peu nourris et beaucoup meurent de fatigue, de faim ou de maladies. La population devient une main-d’oeuvre corvĂ©able proche de l’esclavage. Les familles sont divisĂ©es et leurs membres sont souvent envoyĂ©s dans des coopĂ©ratives diffĂ©rentes. De plus, il ne peut rien y avoir au dessus de l’Angkar. C’est pourquoi la religion est interdite et de nombreux temples sont dĂ©truits.
Les Cambodgiens perdent toute libertĂ© de dĂ©placement, ils sont soumis Ă des rĂšgles trĂšs strictes et doivent assister Ă des sĂ©ances dâendoctrinement.
Les moines et les citadins sont trĂšs mal vus par les Khmers Rouges qui considĂšrent qu’ils ont eu une vie facile Ă l’inverse des paysans qui ont souffert des bombardements intensifs. Ils deviennent “le peuple nouveau“, Ă l’instar des ruraux appelĂ©s “le peuple de base“.
Seul le peuple de base est considĂ©rĂ© comme citoyen de plein droit. Cela leur permet d’avoir des rations alimentaires plus consĂ©quentes et d’accĂ©der Ă des postes dans les coopĂ©ratives.
Des courriers sont envoyĂ©s par les Khmers Rouges aux expatriĂ©s Cambodgiens, afin qu’ils reviennent au Cambodge pour participer Ă la reconstruction de leur pays. En rĂ©alitĂ©, bon nombre de ceux qui sont revenus ont finit en prison.
De plus, toutes les personnes Ă©tant reconnues comme des intellectuels (avocat, mĂ©decins, artistes, professeurs, etc.) sont considĂ©rĂ©es comme suspects. Elles sont pour la plupart envoyĂ©es dans des prisons afin d’obtenir des aveux. Le simple fait d’avoir des mains propres, de parler une langue Ă©trangĂšre, de possĂ©der des lunettes ou des livres pouvait vous conduire en prison, officiellement appelĂ©es “centres de rééducation“. D’autres motifs anodins pouvaient vous conduire dans ces centres, tels que : la cueillette de fruits (considĂ©rĂ©e comme vol), la manifestation d’impatience ou de colĂšre, les propos jugĂ©s subversifs, etc.
Visite de la prison S21
Nous avons visitĂ© l’une de ces prisons : Tuol Sleng, surnommĂ©e S21. Cette prison a accueilli entre 12 000 et 20 000 personnes, hommes, femmes et enfants, considĂ©rĂ©s comme suspects. Toutes ont Ă©tĂ©s enregistrĂ©es, photographiĂ©es, torturĂ©es et tuĂ©es. Seulement 7 d’entre elles ont survĂ©cus. Voici une petite prĂ©sentation de ce que fut S21:
La visite commence dans les salles de classe du bĂątiment A, dans lesquelles se trouvent uniquement un lit, auquel les prisonniers Ă©taient attachĂ©s, ainsi qu’une boĂźte de munitions pour faire leurs besoins.
Dans chaque chambre est affiché une photo des corps retrouvés lors de la découverte de la prison à la fuite des Khmers Rouges. 14 corps ont été retrouvées et ont été enterrés dans la cour. Cour qui est par ailleurs charmante dans ce lieu si lugubre.
Les prisonniers Ă©taient torturĂ©s jusqu’Ă 3 fois par jour. Le sol est noirci par les traces de sang. Sur certains murs il y a des inscriptions ou encore des traces de griffures. Les prisonniers devaient obĂ©ir Ă des rĂšgles absurdes, telles que ne pas crier lorsqu’ils Ă©taient torturĂ©s.
La torture avait pour but Äextirper des aveux. Les prisonniers finissaient par avouer des choses fausses pour que cela cesse. Une fois leur dĂ©position signĂ©e, ils Ă©taient envoyĂ©s dans la ville de Choeug Ek oĂč ils Ă©taient assassinĂ©s…
Le bùtiment B quant à lui est entouré de barbelés, mis en place pour éviter les suicides.
Ă l’intĂ©rieur, de minuscules boxes dans lesquels Ă©taient dĂ©tenus 1 ou 2 prisonniers.
Dans une autre salle, on peut voir au sol des anneaux. Ils servaient Ă attacher entre eux 4-5 prisonniers, avec des barres en fer. Ces derniers Ă©taient allongĂ©s les uns Ă cĂŽtĂ©s des autres et n’avaient pas le droit de s’asseoire sans autorisation. L’un des survivants, Vann Nath, Ă©tait peintre et a rĂ©alisĂ© de nombreuses peintures dĂ©crivant les subisses endurĂ©s.
Le repas des prisonniers se rĂ©sumait Ă 4 cuillĂšres de soupe par jour. Autant dire rien… Lorsque ces derniers Ă©taient surpris Ă manger des insectes qu’ils trouvaient, ils Ă©taient battus.
Lorsque les dĂ©tenus tombaient malades avant d’ĂȘtre passĂ©s aux aveux, ils Ă©taient “soignĂ©s” par des “infirmiĂšres” qui ne connaissaient rien Ă la santĂ©. En effet, les vraies infirmiĂšres et mĂ©decins faisaient parti(e)s du peuple nouveau, peuple considĂ©rĂ© comme suspect et qui ont pour la plupart Ă©tĂ© tuĂ©s. Ces nouvelles “infirmiĂšres” soignaient les plaies Ă l’eau salĂ©e et avaient appris Ă faire les piqĂ»re sur des oreillers… inimaginable !
Dans Äautres salles sont affichĂ©es des photos de tous les dĂ©tenus, prises Ă leur arrivĂ©e Ă S21. Tous ces yeux braquĂ©s sur vous, vous glacent le sang. Leurs visages sont souriants ou graves, en colĂšre ou expriment la peur. On les regarde, un par un. Il y a tellement de visages, tellement de vies brisĂ©es. IncomprĂ©hension. Tristesse. Comment l’homme peut-il commettre de telles horreurs ??!!
La visite se termine devant ce mĂ©morial, oĂč sont rĂ©pertoriĂ©s le noms des victimes recensĂ©es de S21. Beaucoup de noms et de photos ont Ă©tĂ© dĂ©truites avant la fuite des Khmers Rouges.
De 1975 Ă 1979, il y aura eu environ 1,7 millions de morts soit prĂšs de 21% de la population. Sans compter tous ceux qui ont perdu la vie dans les bombardements…
Nous souhaitons par cet article partager l’histoire de ce pays afin que cela ne soit pas oubliĂ© et Ă©viter que cela se reproduise. Nous souhaitons aussi et surtout rendre hommage Ă ces milliers d’hommes, de femmes et d’enfants qui ont endurĂ© tant d’horreurs đ„đ
C’est dans ce genre de moments que nous rĂ©alisons Ă quel point nous sommes des privilĂ©giĂ©s.
Pour finir sur une note un peu plus lĂ©gĂšre, nous sommes heureux de vous annoncer que dans deux jours nous nous envolons pour… Bali ! đ«
Si vous recherchez de l’info pour organiser votre voyage, rendez-vous sur les pages PrĂ©parer son Voyage et Conseils de Voyage au Cambodge.
0 réponse
Comme l\’Ă ecrit Eric-Emmanuel Schmitt \”Les salauds altruistes qui se dotent d\’une doctrine, d\’un systĂšme d\’explication ou d\’une foi en eux – mĂȘmes peuvent emporter l\’humanitĂ© trĂšs loin dans leur fureur de puretĂ©.\”