Cela fait maintenant 3 jours que nous sommes à Medellín et que nous découvrons ses différents quartiers en nous baladant. Aujourd’hui, nous avons réservé un tour avec un guide afin de visiter et connaître l’histoire de la Communa 13, qui a été pendant des années été le quartier le plus violent de Medellín et même du monde. Allez, c’est pari 😊
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Ce matin nous faisons la rencontre de notre guide Samuel, un habitant de la Communa 13, qui va nous faire découvrir ce quartier et son histoire. Nous avons 2 bonnes surprises: la 1ère c’est que, au lieu d’être un grand groupe, il n’y a que nous deux ! Et la 2ème est que Samuel, en plus de connaître l’espagnol et l’anglais, parle aussi francais. Nous aurons donc droit à une visite de 2h30 en français 😊
Nous commençons notre visite en bas de la Communa 13, avec un spectacle de danse de hip-hop. Les gars ont une énergie incroyable et le sourire jusqu’aux oreilles. On voit qu’ils aiment ce qu’ils font et qu’ils sont heureux de nous partager montrer leur talent !


Puis nous commençons à monter dans le quartier, en passant dans des rues pleines de monde, que ce soient touristes ou locaux, avec d’innombrables boutiques, cafés et restos. Nous qui nous demandions si ce quartier était vraiment devenu safe, en voyant les visages souriants des gens, la quantité d’infrastructures pour les touristes, et le monde dans les rues, on se dit que ce n’est définitivement plus la Communa 13 violente d’avant.
Ce que nous remarquons rapidement, ce sont les nombreuses fresques pleines de couleurs sur les murs. C’est beau et joyeux. Samuel nous explique que c’est devenu pour la population un vrai moyen d’expression de leur passé mais aussi de leur philosophie de vie et de leurs espoirs.




Nous voici un peu plus haut et on voit la Communa 13 qui s’étale à perte de vue sur les collines alentours.


Samuel, notre guide, en profite pour nous parler de l’histoire de son quartier. Je vais essayer de vous la retransmettre le plus justement possible. L’histoire de la Communa 13, se divise en plusieurs périodes:
Années 1989-1990
Durant cette période, la Communa 13 est sous le joug des cartels de drogue, notamment celui de Pablo Escobar. Ce dernier transforme Medellín en capitale mondiale de la drogue et la Communa 13 en est un point stratégique. En effet, ce quartier est très escarpé, il y a une forte densité et les rues y sont étroites et escarpées, ce qui en fait un lieu où il est facile de se cacher et d’échapper aux forces de l’ordre.


C’est également un endroit où il est facile de recruter ou enrôler des jeunes pour commettre des meurtres ou déplacer de la drogue.
Les habitants vivent sous la menace constante ainsi qu’au milieu des règlements de compte très violents entre les cartels.
Années 1993-2002
À la mort de Pablo Escobar en 1993, les choses ne s’améliorent malheureusement pas. Les guérillas du FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie) et de l’ELN (Armée de libération nationale), des groupes de gauche, voient là une occasion d’étendre leur influence dans la ville. Ils veulent prendre le pouvoir par tous les moyens, aussi violents soient-ils, et cela impact forcément la population qui est contrôlée, extorquée, recrutée et assassinée.
Dans les années 1997, des groupes paramilitaires d’extrême droite, soutenus officieusement par le gouvernement, sont envoyés pour éliminer ces guérillas. Ces derniers usent des mêmes méthodes hyper violentes que les guérillas.
Ces deux groupes imposent leur contrôle et leurs règles à la population sur leur territoire, en les menaçant, les dépouillant de leurs biens, les enrôlant ou en les assassinant. Les hommes sont obligés de choisir l’un des deux camps, sous peine qu’on les tuent. Les habitants sont pris en otages entre les deux groupes et subissent la terreur et la violence constante, sans aucun moyen de se défendre. Ces groupes s’affrontent violamemment via des attentats, des embuscades et l’assassinat de tous ceux soupçonnés d’appartenir au groupe opposé. De nombreux corps sont retrouvés dans les rues et des exécutions publiques ont lieux, comme à cet endroit qui est aujourd’hui un terrain de basket où jouent des enfants….

Apparemment, les paramilitaires touchaient aussi de l’argent pour chaque membre de guérillas tué, ce qui a provoqué des dérivent: certaines personnes étaient assasinées sans raison ou disparaissaient. Environ 300 personnes ont disparues comme ça, et leurs corps n’ont toujours pas été retrouvés à l’heure actuelle, ce qui est insoutenable pour les familles… Les recherches ont seulement commencés dans les années 2020, car les femmes du quartiers ont continués de dénoncer les enlèvements de leurs enfants et maris.
Octobre 2002: l’opération Orion
Après avoir lancé plusieurs attaques infructueuses pour reprendre le contrôle, se débarrasser des guérillas et des paramilitaires, et pour mettre fin à cette violence devenue incontrôlable, le gouvernement, avec le soutien des États-Unis, lance l’opération Orion le 16 Octobre 2002.
Plus de 1500 militaires et policiers, des tanks et véhicules blindés, ainsi que des hélicoptères, s’affrontent dans la Communa 13, tuant les criminels mais aussi de très nombreux civils par erreur ou parce qu’ils sont accusés d’être des guérilleros.
Les 2 graffitis suivants illustrent l’attaque. Sur le premier on peut retrouver la date et l’heure dans le dé ou encore les trous dans les feuilles. Sur le deuxième, on peut voir que les colibris sont des hélicoptères, et les scarabées sont des tanks.


Cette situation de guerre et de violence constante a laissé chez les habitants une douleur et des blessures toujours présentes. Samuel nous explique que c’est pour ça que l’éléphant est un symbole fort pour eux: “la population de la Communa 13 a une grande mémoire, elle n’oublie pas”.

Néanmoins, il nous partage que la population a son regard tourné vers un avenir meilleur. Samuel nous montre une fresque qui nous le démontre avec d’un côté le passé avec une vie, triste, grise et de violence; et de l’autre le présent et l’avenir avec un quartier plein de vie et coloré et avec un enfant qui rigole.


Nous comprenons qu’aujourd’hui la Communa 13 est un quartier emblématique pour sa force de vie, la résilience de ses habitants et la créativité dont ils font preuve ! Dorénavant, il y a de nombreuses associations qui permettent aux jeunes d’accéder gratuitement à des cours de danse, de musique ou de graffitis comme moyen d’expression et d’alternative à la violence.


La Communa 13 a transformé ses murs en galerie d’art à ciel ouvert, racontant à travers ses graffitis son histoire et ses souffrances mais aussi ses rêves et ses espoirs. Cet art et l’envie de mieux comprendre ce quartier, pousse de plus en plus de touristes à venir le visiter. Samuel nous partage que maintenant le tourisme est un vrai soutien pour l’économie locale car il permet de créer de nombreux emplois (boutiques, cafés, restaurants,..) et de garder l’endroit sécuritaire.
Le gouvernement joue aussi son rôle en participant au développement de ce quartier notamment en investissant dans des escaliers électriques et un métrocâble qui permettent à la Communa 13 d’être beaucoup moins isolée.

Nous sommes trop heureux et reconnaissants d’avoir eu Samuel comme guide, qui a pris le temps de nous partager l’histoire de son quartier et celle de sa famille.

Nous repartons le coeur triste d’avoir entendu l’histoire douloureuse de ce quartier, qui a beaucoup changé en quelques années, et nous a offert aujourd’hui un visage totalement différent. Nous ne pouvons qu’espérer pour sa population des jours meilleurs et paisibles, ainsi que de retrouver les personnes disparues pour qu’elle puisse enfin faire son deuil et avancer.
On espère que cet article vous aura appris quelques petites choses et qu’il ne vous aura pas trop bousculé. Demain, on change complètement d’ambiance et on vous emmène visiter Guatape l’une des villes les plus colorées de Colombie, une petite merveille ! En attendant de vous la faire découvrir, on vous bizowte vos faces 🥰


